Historique d'Indra XIIIème du Nom d'EireChapitre I
Naissance en EireAtha, quelque part dans le temps. Les loups hurlent leur nouvelle chasse et les chouettes scrutent leur première proie. Tout est calme et froid autour du petit village sombre, même la lune semble avoir abandonné son poste. Pourtant, si l'on tend bien l'oreille, on peut au loin percevoir un bruit incongru, inhabituel dans une telle atmosphère. Une forme verte s'avance dans la rue, l'air curieux. C'est un dragon de plusieurs centaines d'années qui, importuné par ce son inconnu, décide de jeter un oeil aux alentours. La Bête est toute petite, et ne dépasse en rien la taille d'un écureuil. Curieuse, elle passe entre une fenêtre brisée pour arriver dans une cave immense emplie de provisions diverses et variées. Gourmand et enchanté par cette vue pour le moins inatendue, le dragon avale des quantité énormes de fromage et la moitié d'un cerf avant de tendre l'oreille le plus haut possible. Il ne rêvait pas ! C'était bien là les pleurs d'un enfant nouveau-né !
La cave n'était autre que celle du Fort Cathyra, lieu servant de refuge à la très prestigieuse famille des seigneurs d'Atha, mince province d'Eire. Le malheur avait voulu qu'une semaine auparavant le Seigneur perde la vie dans une bataille que certains murmuraient engagée contre les Forces du Mal. Il avait laissé sa jeune femme grosse, et voici que maintenant elle avait enfanté. Avait-elle donné un fils comme tout le monde l'espérait pour gouverner la province à la place de son père ? Rongé par la curiosité et le désir de connaître enfin la vie de nobliaux, le dragon se risqua à voler les 456 marches de pierre le séparant du rez-de chaussé du chateau.
La nouvelle mère était allongée sur son lit tâché de sang, ses longues boucles blondes déposées autour de sa tête d'ange semblaient une auréole d'or travaillée avec minutie. Son enfant n'était pas un mâle, pourtant elle avait le sourire aux lèvres. Un enfant de son seigneur était la seule chose qu'elle avait espéré depuis la mort de ce dernier. La miséricorde avait voulu que ce soit une dame, alors ce serait la plus prestigieuse femme d'Eire. Ainsi fut la promesse que se fit la veuve du seigneur.
Le temps passait très lentement, et la Veuve Leira comme l'appelaient les seigneurs voisins passait ses jours tranquilles et heureux à filer la laine pour confectionner à sa fille les atours les plus chauds. l'enfant était né un juillet, mais les hivers en Eire étaient durs et il ne fallait aucunement se rouler les pouces tant qu'il faisait encore chaud. Leira était tel l'écureuil. Elle aimait à vivre l'été pour survivre l'hiver. Depuis son veuvage, elle interdisait à quiconque au château de voler les paysans pour s'enrichir et faisait suer chacun à la force de leurs bras pour qu'ils nourissent sans fin un gosier qu'ils avaient long et profond. Bientôt, il n'y eut personne d'autre dans le château Fort Cathyra que la Veuve, son enfant Indra quelques domestiques et un singulier dragon curieux se cachant dans les poutres et dormant dans le berceau du nourisson lorsque ce dernier se trouvait être seul. Indra ne put plus s'endormir sans lui, et gazouillait joyeusement quand la Bête se trouvait à ses côtés le matin. Effrayé à l'idée que quelqu'un le voie, le dragon allait aussi vite que lui permettaient ses ailes balourdes se réfugier sous les poutres, et alors l'enfant se mettait à pleurer à chaudes larmes, consolé aussitôt par les bras chaleureux de sa génitrice seigneuriale.
Ainsi furent les conditions d'arrivée d'Indra, future Reine d'Eire dans le Monde d'Albion.
Chapitre II
Enfance sous l'arbre Aux DryadesLes trois premières années d'Indra sonnèrent bientôt. C'est alors qu'agacés que la province voisine soit occupée par une femelle que les seigneurs voisins, vils sans coeur pour la plupart ayant déjà épuisé nombre de femmes vinrent taper à la porte de la veuve et non moins belle Leira en espérant obtenir d'elle quelques faveurs, et pourquoi pas un mariage qui les arrangerait bien pour obtenir des paysans prospères d'Atha quelques impôts lourdement assénés. Flattée mais non pas envieuse de tels avancements, la Veuve leur fermait la porte au nez avec moquerie et s'en retournait à l'éducation de sa jeune fille qui maintenant marchait et courait à une vitesse étonnante pour son âge. Le plus souvent, elle déambulait dans le jardin où trônait un arbre centenaire habité de légendes et d'âmes de Gaïa. La jeune Indra aimait à s'asseoir sous les branches protectrices de son feuillage tout en écoutant le vent lui conter les plus grandes histoires d'Irlande. Il y en avait de fort belle, mais celle qui retint son attention fut une histoire sur un certain Seigneur d'Albion qu'il faudrait bientôt aider. La petite fille, yeux fermés, écoutait chaque jour ce récit, mais n'en comprenait pas mot. Elle était persuadée de ne jamais être confrontée aux grandes histoires de la couronne d'Eire. D'ailleurs, cette idée ne traverserait jamais la tête d'une petite fille de trois années seulement, mais quand elle en eut sept, ce ne fut pas la même histoire.
Leira s'occupait de l'éducation de sa fille de jours en jours et Indra voyait bien dans les yeux de sa génitrice que le calme qui bénissait le Fort Cathyra était quelque peu tourmenté. En effet, les seigneurs des royaumes voisins s'étaient alliés pour attaquer la Veuve. Il était impensable selon eux qu'une femelle puisse être à la tête de Terres et qu'il serait juste que les siennes soient partagés pour agrandir ceux des voisins mâles. Angoissée, Leira tentait par tous les moyens de les en dissuader, sans grand succès.
"
Bölkron est à tes côtés depuis ta naissance, Indra ! Il n'est pas une présence hasardeuse. Tu as tout à tes en toi pour faire gagner la victoire à ta mère. N'aie pas peur, et amène-lui le Dragon. C'est un animal fidèle et débrouillard. Leira trouvera la solution. C'est une femme digne et vive, que les Dieux t'accordent de tenir d'elle..."
Ainsi furent les paroles des Dryades de l'arbre enchanté lorsque la fillette leur demanda de l'aide. Après une parole de remerciement, la future Reine d'Eire avec Bölkron son dragon sur l'épaule alla voir sa mère et lui conta les paroles de l'arbre. Leira cria de surprise à la vue de la Bête aux ailes de feuille mais décida qu'il était sage de suivre les conseils de Gaïa. C'est ainsi que la Veuve issue de l'Air comprit qu'en naissant Indra avait été touchée par la grâce de la Terre. Prenant le Dragon avec délicatesse, la Veuve Leira lui remit un message, lui chuchotta quelques mots à l'oreille avant de le lâcher par la fenêtre. Bölkron vacilla lourdement avant de se stabiliser et de voleter lentement vers le lointain tout en tenant fermement dans ses pattes un message de la mère d'Indra. Fier, il se dirigeait vers le Grand Palais du Roi d'Eire.
Son retour tardif annonçait de bonnes nouvelles. Il était d'ailleurs grand temps. Bölkron ne reconnut plus la région dévastée par endroit par de grands cavaliers noirs, mais heureusement le le Fort restait intact malgré quelques fenêtres du donjon brisées par certains tirs de catapultes enflammées. Leira n'avait rien perdu de sa majesté, même en cet instant critique. Elle accueillit l'animal avec contentement et un bol de lait qu'il avala avec délice. La seule condition de l'obtention d'aide de la part du Seigneur d'Eire était qu'elle accorde à son fils la main d'Indra. Cette dernière jouait tranquillement à la poupée au coin de la cheminée allumée et c'est d'un oeil fier et brillant qu'elle fut regardée par sa mère. Il faudrait trois jours aux troupes royales pour gagner le pays d'Atha et recevoir la réponde de Dame Leira.
Chapitre III
Indra, Reine d'EireQuand les troupes royales firent leur apparition dans les terres d'Atha, tous les seigneurs changèrent vite de front pour retourner en leurs terres respectives. Un Roi grand et de bon âge descendit lui-même de sa monture pour retrouver escorté de deux grands gaillards la Dame Leira. Cette dernière en compagnie de sa fille lisait un livre tandit que la fillette s'exerçait non loin à la lyre. Indra avait une main franche et habile à l'instrument, et le monarque s'en trouva fort touché, vantant la veuve sur les rumeurs de sa fille qui heureusement n'étaient pas inventées. La Dame se mit à rougir tout en esquissant une grande révérence respectueuse quand de sa voix d'enfant ingénue encore Indra lança:
"
C'est qui lui, maman ?"
Avec le recul, la fillette se dit que la réponse était un homme venu enlever une fillette pour la donner en pâture à son fils en échange d'hommes d'arme pour garder le Fort Cathyra. Indra, huit années, fut enlevée de sa mère pour recevoir avec quelques temps de retard une éducation royale digne de ce nom. Comme convenu, la fillette n'eut pas de larme devant le Roi, mais lorsque vint la solitude le soir dans son immense et luxueuse chambre la fillette ne retint bien évidement pas ses pleurs.
Les premiers jours d'Indra dans le palais Royal furent toutefois très bons. Les lieux étaient bien plus beaux et plus arrangés qu'au Fort de son enfance passée et les domestiques en nombre multiple étaient d'une attention envers elle dont elle n'avait pas habitude. Les repas servis copieusement étaient chauds et exquis et à en juger honnêtement le Roi n'était pas une si mauvaise personne que ce qu'elle avait pu le penser. Toutefois, elle n'avait encore jamais eu le loisir de croiser celui qui devait être son futur époux, à savoir le Dauphin d'Eire. Ses journées, la future Reine les passait à lire, chanter, jouer de la lyre et apprendre les danses traditionnelles dansées durant les grands banquets. La fillette riait beaucoup et grandissait vite. Personne dans le palais ne vit le temps passer tant le charme d'Indra enchantait le palais en entier. Ses rires gracieux emplissaient les couloirs et les bêtises candides de son dragon amusaient hautement les domestiques. Maintenant la fillette était devenue une gracieuse jeune fille d'une quinzaine d'année que le Roi pensait apte au mariage. Un midi, il demanda à Indra de manger en sa présence pour lui parler de choses sérieuses. La future reine accepta la venue de son beau-père avec joie et c'est avec une religieuse sèche et flétrie qu'il fit ce jour là son entrée. Sa sortie fut fière et joviale. Sa future brue était bien vierge.
Une semaine plus tard entra dans les appartements d'Indra un jeune homme de quelques années plus âgé qu'elle. N'ayant pas l'habitude de présence masculine de sa génération la jeune fille balbutia de surprise et se demanda ce qu'était que cette méprise. Il était vrai qu'il avait une assez belle tournure et un regard boulversant mais si ce devait être son futur époux il aurait été logique que le Roi l'avertisse avant tout. Prude et appeurée de cette entrée importune la jeune fille sonna un domestique sous les yeux ronds de Bölkron. A la surprise d'Indra, ce fut le Roi lui-même qui entra plus fier que jamais.
"
Tu seras une bien meilleure Dame que ta Mère ne l'est depuis ton départ, Indra. Les bâtards nés des hommes de mes troupes courent dans les champs d'Atha. Nous n'avons d'autre choix que d'attendre sa mort pour te faire hériter de ses terres."
Choquée, la jeune fille garda tout de même un visage impassible. Quoi ?Sa propre mère ? C'était bien là chose impossible !
Confiante malgré tout, elle acquiesca avant de sortir de ses appartements au bras d'un dauphin radieux sous les yeux attendris des serviteurs.
Le mariage royal dura une semaine sans interruption durant laquelle danses et banquets se multipliaient dans une joie immense. Les nobles rudes plantaient leurs épées dans les cochons rôtis tandis que les dames bien élevées ne mangaient que des petites portions végétariennes de peur de prendre quelques bourrelets incongrus. Parée d'une robe en lin blanc, Indra abordait de nombreux bracelets d'amethyste et de rubis. Ses cheveux lâchés au hasard tombaient en ondulations aux reflets roux et ses grands yeux noirs riaient à la compagnie. Le peuple était heureux. Ils n'avaient jamais eu affaire à un Roi tyranique et vaniteux. Ils voyaient d'un oeil positif le mariage du dauphin et d'Indra, et prévoyaient un futur heureux dans le meilleur des mondes.
Malheureusement, tout ne se passa pas comme prévu.