La Colère de Siawn Hy

[Premier Post]

- Seigneur Siawn Hy, c'est à vous de jouer...

Le Loup sortit de ses pensées et déplaça son pion sur le plateau. Un vent violent ravageait les terres arides de Prydain, les eaux du ruisseau qui coulait non loin dégageaient une odeur pestilencielle. Le fléau détruisait peu à peu toute l'Albion, à la grande joie du terrien. Cependant, lui aussi aurait à en souffrir et c'était à peine s'il en avait conscience. Les visages de ses opposants dansaient devant ses yeux. La blonde Scatha aux yeux de chat, la farouche Deirdre dont il ignorait tout, la grande Indra au dragon feuillu, Inwë l'elfe... que des femmes pour s'opposer à sa puissance. Deirdre était-elle vraiment une femme ? Elle lui faisait penser à un démon plus que masculin.
Il prit soudain conscience que son larbin avec qui il disputait une partie de dames depuis quelques heures l'appelait. Distraitement, il joua.

- Ruadh, je ne te conseille pas ce coup... tu perdrais.

Le dénommé Ruadh contempla le plateau puis changea d'idée. Il reposa le pion qu'il tenait en main pour exécuter un autre coup, Siawn en profita pour lui prendre trois pièces d'affilée. Le jeune homme s'enfonça dans son fauteuil. Sentir l'odeur de la sueur, du sang, de la peur qui venait de dehors, ouïr les cris et les pleurs des esclaves lui procurait une sensation de bonheur intense. Il ferma les yeux, un petit sourire aux lèvres. Soudain, on frappa à la porte.

- Va ouvrir, Ruadh, murmura Siawn Hy du bout des lèvres.

La larbin se précipita et laissa entrer un soldat de la Horde. Il s'agenouilla à côté de son seigneur et déposa un baisemain respectueux sur sa main baguée. Les Loups obéissaient plus à Siawn qu'à Paladyr ou Meldron, ils le considéraient comme le vrai roi. C'était pour cela qu'il les respectait, eux seuls avaient vu clair dans son jeu. Amicalement, il posa sa main sur la tête de son guerrier, qui se releva. Son corps musculeux était couvert de cicatrices, certaines plaies béaient et saignaient. Elles étaient fraîches.
Siawn Hy fronça les sourcils et leva un regard interrogateur sur son homme de main.

- Nous avons tendu une embuscade à la rousse, comme prévu. Une vraie diablesse. Elle nous a échappé sans que nous puissions comprendre, nous laissant au passage quelques égratignures bien senties. Nous avons voulu la suivre mais elle s'était évaporée en direction de la forêt.

Siawn donna un coup de poing rageur dans le vide. Cette garce ! Elle lui paierait. D'un grand geste, il se leva et attrapa sa cape dont il se drapa. Il jeta un regard agressif au Loup qui jugea bon de se ratatiner sur place. Mais non, il ne passerait pas sa colère sur lui... Une bribe d'honneur sans doute. Il avait besoin de martyriser quelqu'un. Si ce pouvait être un ennemi qu'il vaincrait par la même occasion, ce serait une bonne chose. Il songea à Indra. Trop bien protégée.
Scatha ? Trop lointaine. Inwë ? Il ignorait où elle se trouvait. Même chose pour Deirdre. C'était rageant. Il administra un violent soufflet au larbin revenu demander si l'on interrompait la partie. Il dut comprendre car il remballa le jeu en se mordant la lèvre pour ne pas pleurer.
Soudain, il eut une idée...

- Va me chercher Alàtariël, ordonna-t-il à son Loup.

Il s'exécuta et disparut. Bien vite, on frappa à la porte.

- Entre ! s'exclama Siawn...

Une figure hautaine fit son arrivée haute et silencieuse. Elle tenait dans sa main une corde divisée en trois où des goules se trainaient sur le parquet. Alàtariël aimait à balader quelques membres de son troupeau derrière elle. Ils étaient moches, puaient et bavaient pour son plus grand bonheur. La Dame était amoureuse de la dépravation.
Sa grande toge noire traînait derrière elle, et la moitié de son visage correctement cachée n'était qu'une ombre invisible. De son oeil unique elle regardait dès à présent le regard irrité de Siawn. Ce nétait encore pas un bon jour mais la bergère n'en avait que faire. L'habitude de la mauvaise humeur de ce dernier l'avait pris à la gorge dès la première seconde de sa rencontre avec ce dernier, et comme à son habitude Alàtariël allait attendre et subir les conséquences d'une faute nullement commise par sa personne.

-Vous m'avez demandée, Ô Grand Siawn Hy ?

Tout en faisant une large révérence, la Dame s'apuya sur son bâton qui esquissait l'horreur plus qu'à son habitude. Les mèches empoisonnée de la Telrùnya scintillèrent soudain comme une menace jetée à l'assemblée. La dame avait horreur du Monde et des grandes salles, horreur qu'on la regarde et horreur qu'on cherche le moindre faux pas. D'ailleurs, la meilleure solution était de ne pas bouger.
Une goule attrappa un rat au passage, faisant gicler sur des chaussures de certains Loups des tâches de sang foncé que ces derniers elvenaient avec un juron. Il n'était pas question de s'en prendre à un mort en présence d'Alàtariël. Beaucoup dans la Horde ne savaient que trop ce qu'était que s'en prenre à une Nymphe possédant les pouvoirs de la Foudre.
La pièce de Siawn était assez jolie, pas assez sordide pour paraître insalubre mais pas assez majestueuse non plus pour faire penser à une grand hall Royal. La Telrùnya se mit à penser avec rage à Indra qui devait bien se prélasser au chaud pendant que d'autres luttaient pour ne plus avoir froid. Le jour où elle pourrait enfin sentir la peau douce du cou de cette belle idiote entre ses mains féroces...
Ne plus y penser. Rien qu'à l'idée de lui ôter la vie lui donnait l'eau à la bouche mais la Hodre des Loups avait sans doute autre chose à faire avant de la débusquer. Il fallait avancer lentement et sûrement, patience, chaque chose en son temps... Maintenant, il fallait affronter la colère du Maître, ou plutôt la subir. La dame espérait que l'homme soit plus calme durant les batailles, la haine ne faisait pas bon ménage avec beaucoup de choses et c'était bien certainement la raison pour laquelle les contes de fées finissaient toujours très bienchez les enfants... les méchants avaient toujours ce profil insupportable de boules de nerfs intenables.

-Je suis à vôtre service, Messire.

Ne rien ajouter de plus. Tout dire avec tact et précision. Le moindre mot mal interprété par Siawn pouvait être fatal et même si parfois Alàtariël faisait exprès de titiller son maître pour l'amuser elle s'aperçut qu'aujourd'hui ceci ne l'amuserait pas. de toute façon, ce n'était pas le jour. Il n'y aurait pas d'orage au moins durant les trois prochains jours.
Pensive et nonchalente, la Telrùnya se mit à scruter le plafond en espérant trouver une mouche qui amuse sa papille avide en attendant les paroles du Maître des Loups.

[Très chère, nous nous trouvons dans l'ancien palais du grand roi de Prydain, donc logiquement c'est une belle pièce ^^]

Siawn jeta un regard lourd de mécontentement aux goules puantes. L'odeur l'incommodait fortement. Et comment osait-elle le dévisager avec tant de superbe de son oeil unique ? Il allait le lui arracher si elle persistait ! Sa colère était déjà si grande qu'il ne supportait plus la moindre contrariété. Devant son regard passait le visage hautain de cette insupportable Solitaire. Il grogna de haine. Il n'avait pas l'intention de faire du mal à Alàtariël, elle était hélas trop précieuse, cette garce. Il y en avait des dizaines qui attendaient son poste mais aucune n'avait les talents de la nymphe, quel que soit le domaine. Cependant, sa réserve physique face à elle ne l'empêcherait pas d'être narquois.

- Oui je t'ai demandée, ô petite Alàtariël.

Nouveau regard réprobateur à l'adresse des goules. Leur maîtresse serait assez futée pour comprendre, du moins faudrait-il l'espérer pour elle. Il n'était pas d'humeur à lui passer ses caprices et il n'était pas question qu'elle tente d'user ses pouvoirs sur qui que ce soit. Elle s'inclinait, bien, un signe de respect. Ah, qu'il aimait que l'on rampe devant lui ! Il esquissa un sourire qui s'effaça dès lors que Telrunya se redressa. Il redevint le froid et malfaisant Siawn Hy.
Il enrageait pour de multiples raisons à présent. Deirdre qui continuait à le défier, Indra toujours inaccessible, Inwë lointaine. Scatha... Scatha, il montait une armée pour la faire choir. Elle tomberait de sa neutralité et rejoindrait ses rangs, ou alors elle périrait. Il espérait que l'honneur de cette chère Pen-y-Cat ne serait pas assez grand pour refuser pareille proposition. Il était prêt à lui ménager une place de choix dans son armée, elle le méritait, en grande guerrière qu'elle était.
Il prit une grande inspiration qui le calma quelque peu. Bientôt, il pourrait tuer. D'ici là, il devait s'apaiser... jamais les états de nerfs n'avaient permis à un cerveau de fonctionner à sa pleine mesure. Siawn s'ébouriffa les cheveux d'une main et congédia tous les autres Loups. Seuls restèrent Alàtariël et lui, il se laissa tomber dans son siège et invita la nymphe à faire de même. Sans plus de ménagement, il mit ses pieds sur la table d'où il chassa le jeu d'échecs.

- Tu es à mon service, très bien. Je te demanderai de le quitter, temporairement.

La voix était sèche mais non sans être remplie d'une certaine notion de triomphe. Il adressa un sourire malsain à sa compagne.

- Tu pars pour Eire. Je veux que tu retrouves la dénommée Deirdre et que tu me l'amènes. Il me semble que tu la connais, si ce n'est pas le cas, vois-là comme une rousse aux yeux verts, une farouche guerrière. Occupe-la pendant que nous attaquerons Ynis Sci. Peut-être auras-tu la chance de croiser un autre de nos ennemis, je t'invite expressément à le tuer...

Il savoura ces derniers mots puis lâcha :

- Tu pars immédiatement. Fais tes bagages, Alàtariël Telrùnya.

Quand les Loups partirent, Alàtariël confia sa laisse triple à l'un d'eux en le transperçant se son oeil. L'homme comprit que s'il arrivait malheur à une des goules il aurait affaire à la foudre. Les morts étaient en quelque sorte l'armée de la Dame et elle en prendrait une paire pour sa quête... Cette dernière serait bien plus difficile que prévue mais la Telrùnya ne cilla pas. Têtue comme elle l'était elle mènerait à bien, comme d'habitude, sa mission.
Alàtariël s'assit sur un fauteuil en face de son maître. Bien sûr qu'elle avait bu ses paroles, bien sûr qu'elle en avait compris le moindre mot, la moindre intonation, le moindre geste gêné de ses lèvres. la femme et son maudit instinct maternel voyait tout en l'homme et la Louve voyait en Siawn un homme cruel qu'elle aurait elle-même porté.

-Vous pouvez me faire confiance, Messire. Cette mission comme toutes celles que vous m'avez confiées sera classée !

Il fallait qu'elle parte au plus vite. le qeigneur Hy voulait au plus vite mettre bain basse sur la Deirdre mais avait-il précisé son état ? Aucunement. Avec délice l'Infernale pensa lui couper les doigts, les pieds ou bien lui sectionner la langue. Cette dernière option s'effaca bien vite. Comment pourrait-elle ensuite parler ? tant pis. Seulement défigurée elle serait en finalité fort bien !
Mais où chercher, où la trouver ? Alàtariël axa son bâton vers une bougie et son regard se fronça. Au loin la foudre s'abbatit sur une montagne avec fracas. un sourire inquiétant anima les lèvres de la brune qui enleva sa capuche, laissant apparante une cicatrice impressionnante et monstrueuse. Il fallait suivre la direction du Nord.

-Elle est en face du Feu, messire. Un feu plus ardent que celui d'une cheminée brûle à ses côtés.

La louve remit sa capuche, se leva et tourna le dos à son seigneur tout en quittant la salle. Elle avait une direction, mais ne voyait pas dans le feu la présence de Tatsun. D'ailleurs, pour rien au monde elle n'accepterait de refaire la connaissance de cette tête taciturne.
La porte de la grande salle claqua. Les étoiles nombreuses donnaient leur éclat sur trois goules qui, tête haute et oreilles dressées regardaient leur maîtresse descendre les escaliers de devant le château.

-Tinaël, Axotine, Crïnmon ! Nez à terre et cap vers le Nord !

Le cri autoritaire da la Telrùnya eut son effet et bientôt trois nez se fixèrent dans la terre poussièreuse pour y laisser des traces baveuses et fort peu propres.
Une bête entre le loup et le cheval tiré par un homme morne fit son entrée. Fière, Alàtariël monta la monture qui partit dans un boucan infernal, suivi par les cadavres galopant derrière leur maîtresse. la toge au vent, le b$aton fixé vers la direction à suivre la Bergère des Ames Perdues ressemblait à un démon Supérieur.